THE ATLANTA RHYTHM SECTION SUR LA ROUTE



L’A.R.S. a toujours occupé une place à part dans le monde du rock sudiste. Sans doute parce que ce groupe a souvent flirté avec la pop music, réussissant ainsi à placer brillamment quelques tubes dans les hits parades américains.

La plupart des fanatiques de rock sudiste citent généralement les grands créateurs originels qui ont puisé dans le blues (Allman Brothers Band) ou dans la musique anglaise (Lynyrd Skynyrd). Ou bien des formations aux accents country (Outlaws, Marshall Tucker Band) ou aux sonorités plus hard (Molly Hatchet, Blackfoot).

Il semblerait que les ballades et les chansons hautement mélodiques proposées par l’A.R.S. ne touchent pas tellement le cœur de la majorité des rockers sudistes. La formation de Doraville aurait donc plutôt les faveurs de mélomanes plus sensibles à la technique musicale et à l’élaboration de compositions particulièrement réussies.

De plus, les membres du groupe ont toujours été des musiciens professionnels se tenant relativement tranquilles. Ils n’ont pas été l’objet d’anecdotes croustillantes. Pas de chambres d’hôtel saccagées ni de défonces mémorables. Pas de bagarres ni de séjours chez les flics. Pas de tragédies non plus, comme pour Lynyrd Skynyrd.

Il faut bien reconnaître que dans l’univers du Rock, la renommée ne se gagne pas seulement par la musique jouée mais aussi grâce à quelques articles à sensation dans la presse à scandale. Et l’Atlanta Rhythm Section n’a jamais fait les gros titres pour ses débordements.

Malgré tout ça, on oublie un peu vite ce qu’était ce groupe sur scène et l’intensité qu’il dégageait en concert. Bien sûr, la superbe voix de Ronnie Hammond ne rivalisait pas de rugosité sudiste avec Ronnie Van Zant ou Danny Joe Brown. Les guitares ne faisaient pas fondre les amplis. JR Cobb restait précis en rythmique et inspiré en solo. La Les Paul de Barry Bailey propulsait dans les airs des phrasés gorgés de musicalité et de saturation veloutée sur les ballades splendides devenues le fer de lance du combo de Géorgie. La basse de Paul Goddard et la batterie de Robert Nix n’effectuaient pas un pilonnage en règle mais offraient un soutien efficace à ces titres recherchés. Le tout était lié par Dean Daughtry et son piano électrique discret mais indispensable au style si particulier du groupe.

Sur les planches, les musiciens ne bougeaient pas dans tous les sens et n’adoptaient pas des poses avantageuses. Ils se contentaient de jouer impeccablement, tentant de restituer l’ambiance initiale des morceaux enregistrés en studio. Mais quand il s’agissait de balancer du rock’n’roll, ils savaient faire parler la poudre et ça swinguait dans le public.

Des enregistrements pirates de ces prestations d’anthologie (pas toujours complets et quelquefois datés de manière inexacte) témoignent du talent qui habitait ces musiciens d’exception.

Bien sûr, il existe d’autres documents sonores que ceux mentionnés dans cet article mais les quelques shows cités prouvent incontestablement que l’A.R.S. n’était pas qu’une machine à ballades et à chansons douces.

Avant de continuer, une mise au point s’impose. Tout d’abord, il ne s’agit pas ici de retracer l’histoire de l’A.R.S. Ensuite, les lignes qui vont suivre s’adressent en priorité aux amateurs et aux fans du combo de Doraville, les divers morceaux énumérés n’étant pas détaillés dans leur forme ni dans leur contenu. Mais elles donneront peut-être envie aux autres de découvrir (ou de redécouvrir) ce groupe qui aurait mérité une meilleure reconnaissance.

Née de la réunion de professionnels de studio à l’initiative du producteur Buddy Buie, la formation de Géorgie connaît des débuts mitigés. Mais si les deux premiers disques de la Section ne déclenchent pas l’enthousiasme du public, le troisième se fait remarquer avec deux singles qui entrent dans les « charts » (« Doraville » et « Angel »). Buddy Buie encourage alors le groupe à profiter de l’occasion en se faisant connaître sur scène, ce qui ne séduit pas particulièrement ses membres habitués au confort des studios d’enregistrement. Ils se laissent finalement convaincre et dès la sortie de leur quatrième album « Dog days », les musiciens de Doraville commencent à tourner intensivement dans le sud, le midwest et le nord-est des USA. Ils ouvrent souvent pour Lynyrd Skynyrd ce qui les assimile d’entrée au rock sudiste (et pas mal de leurs morceaux peuvent être affiliés à ce courant musical).

Le premier show enregistré a lieu au Smiling Dog Saloon le 27 août 1975. La chaleur estivale n’a pas empêché le public d’investir ce célèbre jazz-club de Cleveland pour applaudir le combo de Géorgie qui défend donc son dernier album en date (« Dog days »). L’A.R.S. est annoncé comme le meilleur groupe existant dans le Sud (« the best band in the South »). Sans le savoir, le présentateur n’était peut-être pas loin de la vérité. Il est vrai qu’avec quatre disques à leur actif, les musiciens ont eu largement le temps de faire leurs preuves.

Immédiatement, ils démarrent sur une version très rapide de « Back up against the wall » avec un échange de phrasés Barry Bailey/ JR Cobb et un solo très rock de Barry. Un morceau qui prouve bien que l’ARS sait durcir sa musique en concert. Ils enchaînent avec « Who you gonna run to » sur lequel Barry balance un solo incendiaire. Le subtil « Dog days » vient ensuite avec son début paresseux suivi de son final énervé. Sur « Angel », la guitare de Barry Bailey s’exprime avec son style si personnel. « Doraville » est restitué comme sur le disque (même le break avec l’harmonica), tout comme « Another’s man woman » (si ce n’est le solo de basse de Paul Goddard qui bastonne sévèrement).

JR Cobb agrémente « Help yourself » d’un bon solo de slide et le groupe termine sur « Boogie smoogie » (qui démarre en blues poisseux et se poursuit sur une accélération en shuffle). Toute la chaleur du Sud s’exhale de ce titre.

Si quelqu’un en doutait encore, ce show démontre que l’A.R.S. est déjà bien lancé sur les rails du rock’n’roll. Les spectateurs ont ainsi la chance de voir en club un groupe talentueux en pleine ascension (en effet, en ce mois d’août 1975, les petits gars de Doraville assurent en Floride la première partie des Who à Jacksonville et des Rolling Stones à West Palm Beach).


Et ce n’est pas le concert de Houston au Texas en été 1976 qui contredira cette affirmation. Retransmise à la radio, cette prestation souffre d’une qualité sonore passable mais n’empêche pas de se rendre compte du talent et de la maîtrise instrumentale du groupe. L’album « Red tape » est sorti et, bien entendu, quelques chansons du disque sont rajoutées au répertoire du groupe. On peut quand même douter que le show soit complet car il manque curieusement « Back up against the wall ». Après un « Angel » classique, Ronnie Hammond présente « Jukin’ » comme le dernier single en date. Au milieu du morceau, les deux guitaristes jouent en harmonie la mélodie texane « San Antonio rose ». Après « Dog days », Ronnie Hammond annonce un blues pendant que les musiciens s’accordent. Il dit que c’est leur dernier soir au Texas, récoltant ainsi pas mal d’applaudissements. Et c’est le bluesy et swinguant « Mixed emotions » avec un solo acéré de la part de Barry Bailey. Ronnie présente un autre single qui ne va pas tarder à atterrir dans les bacs et le groupe envoie « Free spirit ». Juste après un « Doraville » impeccablement interprété, le groupe s’éclate sur une excellente version de « Another’s man woman », encore plus pêchue et plus longue que l’année précédente. Le morceau frôle les vingt minutes et le solo de basse s’est intensifié avec le temps. Encore une fois, on constate l’habileté de l’A.R.S. à reproduire ses titres en live avec le même son d’ensemble que celui du studio. Et aussi la capacité du combo à chauffer le public comme un véritable groupe de rock’n’roll.

L’A.R.S. débute bien l’année suivante en repartant sur les routes. Il fait plutôt froid ce 16 janvier 1977 du côté de New York mais l’ambiance est chaude dans le club « My father’s place ». L’endroit a vu défiler de nombreuses stars du rock et l’A.R.S. va montrer à tout le monde qu’il y a bien sa place. Venu promouvoir l’album « A rock and roll alternative », le groupe commence donc logiquement avec « Sky high ». Les musiciens ont durci leur jeu mais lors du break final, Barry Bailey se lance dans un superbe solo plein d’émotion, uniquement soutenu par le piano électrique de Dean Daughtry. Légèrement enrobée d’écho, sa guitare distille un son épais, velouté et délicat en même temps. Un son de folie pour l’époque ! La tension ne retombe pas avec de bonnes versions de « Back up against the wall » et « Jukin’ », prouvant que l’A.R.S. est bien un groupe de rock sudiste avant tout. Cependant, la suite du concert illustre parfaitement le style assez original du combo qui enchaîne des titres débordant de musicalité (« Angel », « Dog days »). L’A.R.S. continue dans cette voie avec « So into you », son premier single à grand succès. Sur ce titre, Barry montre une des caractéristiques de son jeu en faisant ressortir les harmoniques. Là, c’est la grande classe et aussi l’ouverture vers un public plus large (« A rock and roll alternative » deviendra d’ailleurs disque d’or). Les Géorgiens refont parler la poudre avec « Another’s man woman » et un solo de basse encore plus hard. Le show s’achève sur un « Mixed emotions » d’excellente facture. Voilà donc un groupe sudiste qui sait alterner des morceaux costauds avec des chansons splendides pouvant forcer les portes des hits-parades. Du jamais vu !

On retrouve cette recette gagnante lors des concerts du 25 janvier au Bottom Line de Greenwich Village à New York (diffusé à la radio) et d’avril 77 à Pittsburgh. La set-liste du premier show est sensiblement la même que pour celui de « My Father’s Place » mais « Mixed emotions » disparaît au profit de « Long tall Sally » pour le show de janvier (qui débute sur la bande par les dernières mesures de « Sky high ». Dommage!). Pour celui d’avril, il manque curieusement « So into you ». « Mixed emotions » réapparaît alors que « Long tall Sally » est supprimée. Il faut également souligner l’absence de la superbe ballade « Georgia rhythm » lors de ces shows de 1977. Mais bon nombre de bootlegs de l’A.R.S. sont incomplets et des prestations ultérieures incluent cette chanson (comme dans le live officiel « Are you ready »). On remarque aussi que c’est à cette époque que nos gars de Géorgie prennent l’habitude de terminer certains concerts par une reprise bien balaise de « Long tall Sally » (un classique incontournable de Little Richard), juste histoire de rappeler que le rock’n’roll coule dans leurs veines. Leur coup de force de l’année a lieu en septembre 1977 sur le campus de la Georgia Tech University d’Atlanta où ils partagent l’affiche avec Bob Seger.

L’album « Champagne jam » sort au début de l’année 1978. Il est dédié à Lynyrd Skynyrd (dont le tragique accident reste encore frais dans les mémoires) et fournit au groupe un énorme succès avec « Imaginary lover », une douce ballade aux accents pop. Deux enregistrements pirates reflètent bien l’ambiance que dégage l’A.R.S. à cette époque : un mélange de titres cools et de rocks brûlants. Tout d’abord, un concert datant du 27 mai 1978 (lieu impossible à renseigner) avec la set-liste suivante : « Sky high », « Back up against the wall », « Champagne jam », « Large time » (dédié à Lynyrd Skynyrd), « So into you », le tube « Imaginary lover », « Another’s man woman », « Rocky Raccoon » (une ballade avec une intro à la guitare acoustique, sans doute jouée par Ronnie Hammond lui-même), la superbe chanson « Georgia rhythm » et « Boogie smoogie ».

Le 24 juin, l’A.R.S. se produit au fameux festival de Knebworth en Angleterre devant plus de soixante mille personnes.

Ensuite, après un détour au Canada au mois d’août, la performance des musiciens de Géorgie dans leur état d’origine (à la Georgia Tech University le 3 septembre 1978) est enregistrée. Il s’agit là de leur propre festival baptisé Champagne Jam. D’autres vedettes sont également présentes comme Santana, les Doobie Brothers ou Mother’s Finest. Là, le concert débute par quelques mesures de la bande originale du film « Gone with the wind » (« Autant en emporte le vent ») prélude à un « Back up against the wall » rageur. Viennent ensuite les morceaux « Angel », « Champagne jam », « So into you », « Imaginary lover » (superbement interprété) et « Another’s man woman » (avec un final d’enfer). Une autre version de ce show propose en plus « Rocky Raccoon » et « Long tall Sally ».

Trois semaines plus tard, le combo de Doraville se produit à la Maison Blanche pour l’anniversaire du fils de Jimmy Carter.

1978 se révèle donc comme une année mémorable. L’A.R.S. semble avoir trouvé son rythme de croisière avec des chansons mélodiques qui passent à la radio et des morceaux qui cognent bien en live.

1979 débute avec un gros accident de parcours : le départ du batteur originel Robert Nix (qui n’apprécie pas l’orientation moins rock que prend le groupe). Cette année voit la sortie de l’album « Underdog », peut-être le disque le plus sophistiqué de l’A.R.S. et qui s’éloigne sensiblement des influences musicales sudistes. Deux titres entrent dans le Top 20 du Billboard : la ballade lente et harmonieuse « Do it or die » ainsi que le funky « Spooky » (un vieux morceau des Classics IV, un combo du milieu des années soixante originaire de Jacksonville et au sein duquel se sont illustrés JR Cobb et Dean Daughtry). « Underdog » marque également les débuts du nouveau batteur Roy Yeager au sein de la formation de Doraville. L’A.R.S. part en tournée pour promouvoir l’album et la Champagne Jam II a lieu en juillet (toujours à la Georgia Tech University) avec notamment Aerosmith, Dixie Dregs et Mother’s Finest.

Le concert du 26 octobre 1979 à la Western Carolina University de Cullowhee (en Caroline du Nord) offre un témoignage sonore de l’A.R.S. à son plus haut niveau. La qualité de l’enregistrement est moyenne mais le répertoire choisi frôle la perfection. Dommage que le début du show soit manquant (on n’entend que les dernières mesures de « Champagne jam ») mais la suite reste idéale (« I’m not gonna let it bother me tonight », le rock funky « Born ready », « Do it or die », « Large time », « Imaginary lover », « Spooky », « Another’s man woman » avec un incroyable solo de basse de la part de Paul Goddard, « Rocky Raccoon », « Georgia rhythm », « So into you » et un « Long tall Sally » malheureusement amputé de la fin).

C’est aussi en octobre 79 que le double live officiel atterrit dans les magasins. Passons sur la polémique « vrai live/faux live », un débat impossible à clarifier. Observons simplement que certains titres possèdent incontestablement le parfum du « live » (« Large time », « Back up against the wall », « Conversation », « Another’s man woman », « Long tall Sally »). D’autres morceaux ont peut-être été enregistrés en studio dans les conditions du direct comme le laissent entendre les notes sur la pochette (« special live studio sessions »). Quoi qu’il en soit, ce disque permet au plus grand nombre d’apprécier l’impact de la musique jouée par l’A.R.S. en concert.

Aucun document sonore concernant l’année 1980 ne semble disponible. Au mois d’août, l’A.R.S. se produit au Japon pour trois shows puis sort l’album « The boys from Doraville » qui ne fournira aucun hit et se comportera médiocrement au niveau des ventes. Devant cet échec, le groupe décide de quitter son label Polydor (avec lequel il a gravé huit albums en tout).

Les gars de Doraville se retrouvent avec un procès sur les bras. Polydor les accuse de rupture de contrat mais plus tard, un jugement sera prononcé en leur faveur. Ils rejoignent CBS qui sort l’album « Quinella » en août 1981. « Alien » atteint la vingt-neuvième place au Billboard (ce sera d’ailleurs le dernier single du groupe à se hisser dans les hits parades). Cependant, les ventes du disque ne sont pas satisfaisantes et les relations entre l’A.R.S. et son label commencent à se dégrader. Tout cela n’empêche pas le combo de continuer à tourner car il faut bien vivre mais le déclin n’est pas loin. Un exemple flagrant est fourni par l’émission de radio Retro Rock qui consacre aimablement une plage horaire à l’A.R.S.

Une charmante animatrice fait un rapide historique du groupe entre des publicités pour la bière Budweiser (« This Bud’s for you ! ») et les jeans Lee. Des titres live (sans indication de date) sont alternés avec des morceaux en studio. On peut même entendre Ronnie Hammond s’exprimer quelques minutes (il donne l’explication du nom « Quinella » : un terme dans les paris hippiques où il suffit au parieur de choisir les deux chevaux qui arriveront les premiers et cela sans ordre d’arrivée).

Rien que dans le nom de l’émission, tout est dit. Retro Rock ! L’A.R.S. appartient désormais au passé, en tout cas pour les professionnels du show business. Heureusement, les vrais fans sont restés fidèles. Même en territoire yankee comme le prouve le concert du 27 octobre 1981 au Savoy de New York (sorti officiellement en 2000). Le son est correct et on peut apprécier des titres du dernier album joués en public (un « Homesick » costaud, le superbe « Alien » et « Higher ») ainsi que des classiques du groupe (« Champagne jam », « I’m not gonna let it bother me tonight », « Large time », « Spooky », « Imaginary lover », « So into you » et « Long tall Sally »). Curieusement, « Another’s man woman » est absent de la liste. Est-ce pour des raisons de timing (le show a été enregistré par une station de radio new-yorkaise et diffusé ultérieurement) ou ce morceau a-t-il été omis ce soir là ? Mystère !

La sonorité du groupe mélange rugosité des guitares, rythmiques métronomiques et subtilité musicale des arrangements. Les chansons jouées en live se rapprochent de leurs versions studio tout en bénéficiant d’une interprétation bien plus dynamique. Ce concert reflète tout le talent de l’A.R.S. avec un confort d’écoute satisfaisant en prime. Et si les musiciens de Doraville affichent une pêche aussi infernale ce soir là, c’est tout simplement parce qu’ils viennent de gagner leur procès contre leur ancien label. Au comble de la joie, Ronnie Hammond invitera même l’avocat du groupe (et celui de la partie adverse) à ce show.

Par son authenticité et son énergie, ce disque détrône même le double live officiel si controversé et reste un témoignage incontournable des prestations de l’A.R.S. en public.

La suite des évènements sera beaucoup moins heureuse. En 1982, en raison d’un désaccord entre les musiciens et CBS, la sortie d’un deuxième album est annulée et la maison de disques lâche l’A.R.S.. Vers la fin de l’année, Ronnie Hammond quitte le groupe. L’A.R.S. de la grande époque n’existe plus. Le combo de Doraville va continuer un temps à survivre mais ceci est une autre histoire.

En conclusion, on remarque plusieurs choses.

D’abord, malgré la qualité passable de certains enregistrements, on se rend compte que les membres de l’A.R.S. remplissaient parfaitement l’espace sonore et reproduisaient au mieux leurs morceaux pendant leurs shows. En fait, on peut affirmer qu’ils avaient trouvé leur façon de sonner dès le début. Une telle osmose entre des musiciens de studio réunis arbitrairement par un producteur tient du miracle… ou du destin (Buddy Buie savait sans doute ce qu’il faisait dès le départ). Leur professionnalisme était sans faille (pas de fausses notes, pas d’approximation dans l’interprétation des chansons) mais ils arrivaient aussi à improviser légèrement sans altérer la structure des morceaux (suffisamment pour que le public sache qu’il assistait bien à un concert).


Ensuite, bien que la set-liste ait fait l’objet de changements selon l’actualité musicale du groupe, on constate que les membres de l’A.R.S. ont toujours su alterner des chansons mélodiques avec des titres plus musclés (ce qui relançait constamment l’intérêt du public en concert). Et ces rocks au style particulier cartonnaient bien en direct et contredisaient avec évidence les détracteurs du groupe qui le qualifiaient de trop « doux ». Trop doux ? On a du mal à le croire en écoutant des extraits de concerts avec « Back up against the wall », « Large time » ou « Another’s man woman » et son légendaire solo de basse.

Enfin, au vu de la faible quantité des « bootlegs » concernant le groupe et parfois de leurs défauts (prise de son, manque d’exactitude dans les dates et lieux, shows incomplets), on réalise que l’A.R.S. est bien le parent pauvre du rock sudiste, injustement mis de côté par les amateurs de ce courant musical. Et ce n’est certainement pas maintenant que justice lui sera rendue, la formation de Doraville appartenant désormais à l’histoire (en tout cas, le groupe originel). Malheureusement, les préjugés ont la vie dure. L’A.R.S. ? Oui, on connaît. Un groupe gentillet qui a écrit de belles chansons avec des arrangements recherchés et une production très propre. Mais pas vraiment un groupe sudiste !

Erreur monumentale ! Car l’A.R.S. reste peut-être le meilleur exemple de ce qu’est réellement la musique sudiste. Une musique pleine de finesses qui dissimule une puissance immense sous une apparente nonchalance. La superbe voix de Ronnie Hammond (une des plus belle du rock sudiste avec celle de Doug Gray du Marshall Tucker Band). La guitare chaude et délicatement saturée de Barry Bailey (des doigts d’acier dans un gant de velours). Le son précis et complémentaire de JR Cobb (tant en rythmique qu’en slide). La discrétion et l’efficacité du piano électrique Rhodes de Dean Daughtry. La basse au son aussi énorme que son propriétaire Paul Goddard. La batterie tour à tour subtile (parfois presque jazzy) ou carrée de Robert Nix. Et cette façon si particulière de composer, que ce soit pour une chanson mélodique aux progressions harmoniques compliquées mais efficaces (« Angel ») ou pour un pur morceau de rock’n’roll (la rythmique incroyable de « Large time »). C’est peut-être la quintessence même de la musique du Sud. Comme un Southern Comfort que l’on boit le soir sous le porche, quand le soleil déclinant de fin d’été fait rougeoyer l’horizon. Un mélange de douceur et de rugosité. Oui, c’était ça, la musique de l’Atlanta Rhythm Section. Le fameux « Georgia rhythm ». Les fans devaient être parcourus de frissons quand les lumières s’éteignaient et que retentissait le générique d’ « Autant en emporte le vent ». Le vieux Sud renaissait de ses cendres. Et tous les spectateurs savaient qu’ils allaient passer un moment inoubliable. L’A.R.S. attirait pas mal de monde à l’époque et le groupe l’a largement prouvé en concert en remplissant des stades entiers. Jusqu’à son déclin. Après, il est très difficile d’investir les hits-parades à chaque disque. Quand il est sorti, l’album « The boys from Doraville » avait peut-être trop d’influences sudistes sur certains morceaux au moment où le rock sudiste n’était plus d’actualité.Et quand on n’est plus affiché au Billboard, la majorité du public devient amnésique et la pente est dure à remonter. C’est la loi impitoyable du show business. Cependant, le combo de Doraville aura souffert d’une chose : ses membres étaient plus des musiciens que des rockers, même s’ils laissaient la part belle aux guitares. Leurs goûts musicaux étaient très étendus comme le chantait si bien Ronnie Hammond dans « Sky high » (« I love music, any kind of music »/« J’aime la musique, tous les genres de musique »). Et c’est sans doute pour cela que l’A.R.S. n’a pas réellement marqué le cœur des fans de rock sudiste.

Et c’est bien dommage ! Car si on craquait pour les superbes ballades de l’A.R.S., on était mis le dos au mur par ses rocks torrides (« Back up against the wall ») en rêvant parfois à la femme d’un autre (« Another’s man woman »).

Mais pour tous les fans des « Gars de Doraville », le « Georgia Rhythm » continuera de retentir encore longtemps.

Olivier Aubry

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